Don't be so bright like that

Don't be so bright (because the world is so dark)

____“ Voleuse ! ”

__Ruby fut jetée dehors sans douceur, se rattrapant tant bien que mal sur les marches de l'immeuble. Elle jeta un regard mauvais à l'homme qui claquait la porte, attendant quelques minutes avant de glousser et de s'éloigner tranquillement, tournoyant autour d'un lampadaire qu'elle agrippait d'une main et tirant de son soutien gorge une liasse de billets. Elle méritait bien l’appellation, n'ayant accepté de venir dans son lit que pour la perspective de le détrousser dans son sommeil. Elle avait malheureusement été trop gourmande, voulant vérifier sous son matelas, et il s'était réveillé. Mais elle avait déjà prit ce qu'il fallait et il n'avait pas pensé à vider autre chose que ses poches. Grâce à cela elle pouvait rentrer en bus et ce n'était pas plus mal vu l'heure et sa tenue. Pas qu'elle ait honte, mais elle savait comment se comportaient les hommes avec elle. Après tout c'était son métier. Resserrant les pans de son trench coat autour d'elle, elle trottina jusqu'à un arrêt de bus dans ses bottines usées mais dont on ne voyait pas les défauts dans la nuit, et attendit patiemment la première ligne de bus tandis qu'au loin une voiture de police faisait sa ronde. Baissant la tête l'air de rien pour ne pas se faire remarquer -ils soupçonnaient trop souvent son métier lorsqu'elle ne l'exerçait pas-, la jeune femme ne leur échappa cependant pas et releva la tête sans aucune envie lorsqu'ils braquèrent une torche sur son visage où le khôl paraissait soudain fade et son teint trop pâle.

____“ Qu'est-ce que vous faites là mademoiselle ?
____- J'attends le bus monsieur, répondit-elle le plus sagement possible.
____- A cette heure là ?
____- Je rentre chez moi après avoir passé la soirée avec mes amies.
____- Où sont-elles ? insista-t-il, suspicieux.
____- Chez elles.
____- Comment vous appelez vous ? c'était un contrôle de routine et elle retint un ____soupir, connaissant la suite.
____- Rainbow Lee, monsieur. l'homme haussa un sourcil, surprit, avant de s'esclaffer.
____- Allons mademoiselle, votre vrai prénom. comme d'habitude.
____- Je m'appelle vraiment Rainbow, monsieur.
____- Montrez moi votre carte d'identité. ”

__Cette fois elle soupira, mais s'exécuta sans un mot. L'homme étudia longuement la carte avant de la lui rendre, toujours un peu moqueur, et à côté de lui le conducteur but une gorgée de son café. Rainbow l'envia, sachant qu'elle n'aurait que quelques heures de sommeil avant de devoir aider ses parents au Black Lolita, et qu'une sieste la laisserait fatiguée pour le soir, mais elle avait préféré découcher le soir de sa nuit de repos. Elle était trop décalée pour dormir la nuit, à présent. Redonnant son attention au policier qui, comme les nombreux collègues qui l'avaient questionnée un matin où elle rentrait chez elle, demandait d'où venait son prénom, elle esquiva habillement l'explication. Il était fatiguant d'expliquer l'histoire de son prénom. Rainbow était d'origine sino-japonaise, fille d'un gérant chinois de boutique Black Lolita, des vêtements d'inspiration gothique et steampunk, expatrié au Japon pour représenter la marque et marié avec une tokyoïte, qui avait ensuite rejoint San Diego pour tenir là-bas l'une des cent boutiques ouvertes aux USA juste avant sa naissance. A l'époque, la mère de Rainbow ne parlait pas un mot d'anglais, et lorsqu'elle avait vu un arc-en-ciel au-dessus d'Ellis Island après une longue après-midi pluvieuse à remplir des papiers et faire des tests pour entrer aux Etats-Unis, elle s'était émerveillée à ce sujet en japonais, attirant l'attention d'un membre du personnel qui lui avait gentiment traduit le nom du phénomène. Pour un premier mot d'anglais ou presque, Ikue avait décidé de nommer sa fille ainsi, séduite par la sonorité. Kuan-Ti ne s'y était pas opposé, et seul le reste de la fratrie avait échappé aux noms originaux. Dans le cas de Rainbow c'était trop tard, et elle avait vite apprit à se faire appeler Ruby. Chose facile quand on portait une couleur de cheveux rougeoyante. Le seul problème était qu'on ne la croyait jamais, quand elle déclinait sa vraie identité. Ce n'était pas souvent, mais assez usant pour qu'elle déteste son prénom.

__Les policiers la laissèrent attendre tranquillement et elle put finalement monter dans le bus, frissonnant lorsque ses jambes nues furent agressées par la climatisation trop forte. Il ne faisait pas si chaud dehors. Croisant les bras alors qu'elle s'asseyait, elle contempla son reflet dans la vitre en attendant son arrêt, préoccupée par son teint décidément trop clair ce matin là. Comment attirer les clients si elle avait l'air malade ? Et il fallait qu'elle refasse sa manucure. Tirée de ses pensées par le soleil qui perça la vitre pour l'aveugler, Ruby jura et détourna les yeux, descendant bientôt à son arrêt et se faufilant silencieusement jusqu'à la chambre qu'elle partageait avec sa soeur pour grappiller quelques heures de sommeil. Quand bien même elle réveillait rarement Mary, cette dernière l'avait une fois surprise et depuis la plus vieille devait acheter son silence. La cadette de la famille était rusée malgré son jeune âge, et Ruby craignait ses ambitions économiques. Mary faisait déjà la loi dans la maison grâce au chantage et elle ne voulait pas voir ce genre de personne haut placé. Et ne voulait pas non plus voir ses frères dans sa chambre lorsqu'elle se réveillait difficilement, pensa-t-elle en découvrant ses deux cadets penchés au-dessus d'elle, l'air perturbés. De dix huit et seize ans, Justin et Dylan s'illustraient respectivement au baseball et au hockey sur glace, gagnant de petites compétitions locales avec leurs équipes. Habituellement ils ne s'occupaient pas d'elle, sachant qu'elle n'était pas partageuse et assez autoritaire, mais ce matin là semblait différent des autres. Elle comprit bien vite pourtant. Mary avait négocié ses corvées de ménage contre l'accès à leur chambre, dans laquelle ils n'étaient pas sensés mettre les pieds à moins d'une autorisation expresse. Leur demandant quel était leur problème à la fixer comme ça, Ruby les effraya de quelques remarques acides et ils s'enfuirent en riant. Elle ne préférait pas comprendre ce qui les amusait. Elle en fut cependant obligée lorsqu'elle croisa son reflet dans un miroir. Ah, le démaquillage avant de dormir était difficile quand le soleil se levait. Réparant les dégâts et prenant une douche bien méritée, elle déjeuna copieusement et fit quelques exercices d'entretien avant de rejoindre sa mère dans la boutique, résolue à gagner son repas ce midi là.

__Ruby salua ses parents avant de quitter la maison familiale pour attraper un bus de justesse, priant pour avoir un jour assez d'argent afin de s'acheter une petite voiture et ainsi être indépendante sur le plan des transports. Elle ne rêvait pas trop d'appartement, sachant que son salaire ne suffisait pas si elle en passait la moitié en cosmétiques et autres entretiens du corps, mais c'était sa priorité compte-tenu de son travail. Etre belle et sportive. Le bus la déposa non loin du Sweetdreams qui ne payait pas de mine avant l'ouverture, le néon éteint et la porte rouge ne promettant pas grand chose sans ses stripteaseuses déguisées en lapin, mais Rainbow savait ce qui l'attendait à l'intérieur., se faufilant entre les tables de jeu et podiums pour rejoindre les vestiaires. D'autres danseuses et serveuses étaient déjà là et bientôt le gérant, un mafieux dont elle ne voulait rien savoir d'autre que son salaire à elle, les informa de leurs positions dans la salle ce soir là ainsi que des thèmes retenus pour les costumes. Pirates et païens, voilà qui changeait du traditionnel string doré. Amusée, Ruby se lança à la recherche d'un ensemble qui lui plaisait parmi ceux proposés par l'établissement, jetant son dévolu sur un pantalon en cuir qui ne tenait que grâce aux fermetures éclairs à l'extérieur des jambes, une chemisette noire plus transparente qu'autre chose, un tricorne et un long manteau imitation velours, rouge brodé de noir. L'une des danseuses la mit au défi de porter un soutien-gorge en cuir auquel pendait des chaînettes et elle accepta en riant, allant s'habiller. Elles furent encore briefés sur quelques détails, puis il fallut aller danser.

__Ça tombait bien, elle adorait danser depuis son plus jeune âge. D'abord elle avait commencé par du classique, puis du modern jazz au début de son adolescence, et finalement de la pole dance. Sans oublier toutes les autres danses qu'elle avait abordées sans pouvoir se dire professionnelle en la matière. Ruby aimait le pouvoir hypnotique de la danse sur les spectateur, et la puissance des mouvements de celle-ci afin de se propulser, s'élever ou simplement la grâce de se jeter au sol pour s'y arracher par la suite. Ce soir là elle avait une barre pour elle toute seule et comptait bien envoûter ses clients jusqu'à glisser des liasses de billet dans son soutien-gorge. Aguichant certains hommes dans la foule en rejoignant son podium, elle profita de ses quelques spectateurs pour tournoyer autour de la barre, rien de bien technique, et jeta son chapeau au sol en secouant la tête pour qu'ils se laissent séduire par sa chevelure mi-longue et presque violine sous la lumière tamisée de la salle, avant de faire glisser sa veste le long de ses bras, attirant des sifflements impatients lorsqu'ils aperçurent son haut transparent. Les feintant un peu en défaisant un bouton, quelques acrobaties simples autour de la barre et un nouveau bouton, Ruby profita de la foule qui s'attroupait et agitait des billets pour en récupérer et les jeter sur son manteau avant de défaire le dernier bouton de sa chemise, profitant de l'attention des hommes pour les faire patienter encore un peu. Mais il fut bientôt nécessaire de laisser tomber son haut, son regard rendu charbonneux par le maquillage en croisant quelques autres avides. Le rythme de la musique s'accéléra et elle s'y plia, dansant un moment sous les appels pressant, puis elle se laissa glisser contre la barre, accroupie jusqu'à offrir ses cuisses couvertes de cuir au regard. Saisissant les fermetures éclairs de son pantalon, elle se redressa, les remontant jusqu'aux genoux, et enroula l'une de ses jambes autour de la barre pour offrir un peu de peau aux regards. Cela affola les mâles -ils n'étaient plus des hommes à cet instant- et elle ouvrit encore le pantalon, montant jusqu'à mi-cuisse et leur servant un sourire aguicheur. Il y eut des cris, et elle chercha dans la foule une table d'hommes pour en repérer un sous son charme. Cela ne tarda pas. Elle allait le plumer. Le podium était bon pour son égo, mais pas pour son compte en banque car les clients donnaient peu et maladroitement. Mais emparez vous d'un poulet, et dansez pour lui, il repartira les mains vides -à moins qu'elle daigne à le suivre, mais il fallait y mettre le prix. Le gérant était clair, il y avait des tarifs à respecter, et des commissions à reverser.

__Ruby remonta la fermeture éclair jusqu'en haut. Le pantalon tomba à ses pieds et elle sourit en voyant la surprise de son public, découvrant un short en cuir au lieu du string tant attendu. Il fallait se faire prier, et donner l'occasion à un client de le lui enlever. Ondulant autour de sa barre et assouplissant son corps de quelques mouvements de danse, elle finit par croiser le regard de l'homme repéré plus tôt, découvrant derrière ses lunettes une expression plus bestiale qu'humaine. Il était temps, il allait payer. Glissant ses gains dans les poches de son manteau elle l'enfila avant de rejoindre la table de sa proie, un sourire aux lèvres. Pointant sur lui un index fraichement manucuré elle attendit qu'il percute avant de contourner la table, détaillant à peine les personnes qui l'accompagnaient pour simplement s'emparer de sa cravate et l'attirer vers elle. Il sembla loucher sur son décolleté avant de fixer ses lèvres fièrement teintées de rouge, étirées en un sourire aguicheur.

____“ Je m'appelle Ruby mon tout beau, et je peux réaliser tes rêves les plus fous ce ____soir. ” quoi que vu de près, elle n'avait pas tellement envie.

__Relâchant sa cravate non sans lui avoir caressé la joue avant de reculer, elle jeta finalement un coup d'oeil à ses amis -ou du moins elle supposait qu'ils l'étaient, leur souriant avant de placer une main assurée sur sa hanche, repoussant un peu son manteau pour dévoiler son corps presque nu.